vendredi 11 avril 2008

ils étaient six autour du feu
et leurs troupeaux rassemblés
autour
dans des édifices à cages
  
je me suis approché comme un loup
et sans s’inquiéter
ils m’ont accueilli
  
« ô sage à la barbe poussiéreuse,
qu’est-ce qui t’amène si près de la ville? »
ont-ils ricané
dans leur barbe
rocailleuse
  
je m’en vais consulter l’oracle
je m’en vais revoir des vieux amis
je m’en vais goûter l’eau ruisselante
de tous les désirs amis
  
« tu marches vers la ville
en espérant la conquérir,
pourtant elle pardonne peu
l’arrogance des idiots de village »
a dit le plus chauve
  
et toi, que connais-tu de la ville
toi qui préfères le désert des campagnes
peuplées de troupeaux encagés
  
que connais-tu de cette grande fête quotidienne
un hommage à la main humaine
des milliers de mains organisées
des milliers de mains au service des autres
avons-nous oublié
que c’est cela
notre fierté?
  
et le plus jeune d’entre eux m’a dit :
« j’ai bien connu la ville
la moitié de ma vie j’y ai vécu
je n’en pouvais plus
du désir omniprésent d’être vu
et entendu
je n’en pouvais plus
du vacarme de mes hôtes
je préfère le silence de mes champs
et le droit de pisser partout! »
et la bande s’est tapée sur les genoux
tordus de rires gras
  
oh! mais je vous reconnais
philosophes des régions éloignées
vos raisons sont minces
mais votre mépris est bien épais
  
aucune de vos défaites ne me fera dévier
je suis prêt à jouer le jeu de la ville
et je ne renierai pas
mon plaisir d’être vu
et non replier dans la solitude
du méprisant universel

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